Le bilan de 2024
En 2024, le Sénégal a enregistré 955 175 moutons, dépassant de 18 % l’objectif initial de 810 000 têtes. La production locale a couvert 69 % de l’offre, tandis que les importations, principalement en provenance du Mali et de la Mauritanie, ont représenté 31 % avec 297 488 têtes.
Les obstacles à l’autosuffisance
Plusieurs facteurs entravent l’atteinte de l’autosuffisance en moutons. Les éleveurs font face à des coûts d’engraissement élevés, exacerbés par la cherté des aliments industriels. Le coût de l’aliment de bétail a explosé ces derniers mois en raison d’une rareté du fourrage naturel, due à une mauvaise saison des pluies en 2024.
De plus, le fléau du vol de bétail reste un problème majeur, notamment dans les régions. À l’ouest du pays, dans la région de Diourbel, les acteurs continuent d’évoquer l’impact dévastateur du vol de bétail sur le secteur. Bassirou Ba, chef du service départemental de l’élevage de Bambey, confirme l’ampleur du problème. « Dans le département de Bambey, nous enregistrons en moyenne un vol de dix petits ruminants tous les deux jours. En janvier dernier, nous avons recensé 15 cas, et déjà 12 depuis le début du mois de février », a-t-il expliqué à Vivafrik. Ce phénomène des vols de bétails entraîne des pertes estimées à 2 milliards de francs CFA par an et décourage les investissements dans l’élevage.
L’accaparement des terres fertiles par des agro-industries étrangères touche près de 30 % des surfaces arables disponibles au Sénégal. Cette situation prive les éleveurs de pâturages essentiels et exacerbe les conflits entre éleveurs et agriculteurs, notamment dans la vallée du fleuve Sénégal.
L’élevage familial, une montée en puissance
Face à la dépendance croissante du Sénégal aux importations de moutons, notamment en période de Tabaski, l’élevage familial s’impose progressivement comme une alternative stratégique et durable.
À Dakar et dans plusieurs zones périurbaines, cette pratique connaît une montée en puissance remarquable, portée par des citadins, des jeunes passionnés, mais aussi des fonctionnaires ou des chefs de famille en quête de revenus complémentaires.
Selon Afrik.com, de nombreux petits éleveurs urbains tirent aujourd’hui des bénéfices grâce à l’élevage de petits ruminants, en particulier en période de forte demande. Ce modèle, fondé sur une gestion rationnelle à petite échelle et une meilleure maîtrise des coûts, offre des perspectives réelles pour renforcer l’autosuffisance du pays en moutons.
Souvent avec des agneaux achetés dans des villes comme Dahra Djolof ou dans le Fouta, ces businessmans arrivent à se faire des profits et en même temps arrivent petit à petit à apprivoiser le marché. Outre ce business, l’élevage de reproduction évite aussi aux chefs de familles de débourser trop d’argent lors de la fête de Tabaski.
En structurant davantage cette filière, en l’appuyant techniquement et financièrement, l’élevage familial pourrait être une réponse cruciale face à la dépense en mouton du Sénégal vis-à-vis de ses pays voisins.
Un potentiel pastoral
Avec une superficie totale de 19,7 millions d’hectares, le Sénégal dispose d’un potentiel pastoral considérable, encore largement sous-exploité. Environ 3,8 millions d’hectares, soit 19 % du territoire national, sont classés comme terres arables.
Cependant, seulement 65 % de ces terres sont actuellement cultivées, laissant près de 1,3 million d’hectares inexploités. Par ailleurs, les zones sylvopastorales, notamment dans le Nord et le centre du pays, offrent des espaces vastes et adaptés à l’élevage extensif. Malgré ces atouts, le pays continue d’importer massivement des moutons pour la Tabaski, alors qu’une valorisation optimale de ces terres pourrait permettre de développer une filière ovine robuste et autosuffisante.
À Thiès, l’ingénieure agronome Rokhaya Daba Fall constate avec regret que « quand on vous dit que vous n’avez pas assez de terres pour faire manger votre population, le réflexe naturel est (de vous dire) que votre (pays) est (surpeuplé) ou bien que vous devez nécessairement importer pour faire manger votre population ».
Ainsi, l’aménagement de ces espaces, l’amélioration de l’accès aux ressources fourragères et l’accompagnement des éleveurs locaux constituent autant d’outils permettant de concrétiser ce potentiel en un phénomène économique et social.