Ce matin, au grand site de fumage de Dionewar, de la fumée s’échappe des fours traditionnels, signe d’une grande activité. Ces fours appartiennent, pour l’essentiel à Imourana Fofana, originaire de la Guinée. Âgé d’une quarantaine d’année, il fait partie de ces étrangers qui gagnent leur vie grâce à cette activité : le fumage du « cobo », qui permet d’obtenir le « kéthiakh cobo » ou poisson fumé, séché, salé, destiné ensuite à l’exportation.
C’est un travail très minutieux qui demande beaucoup de courage mais très rentable, fait-il remarquer. Très tôt le matin, nous allons au quai de pêche de Dionewar ou celui de Niodior pour acheter du poisson frais, de préférence le « cobo ». C’est un poisson de petite taille très apprécié que nous achetions à 7 000 FCFA les deux caisses remplies. Nous revenons ensuite au site de fumage pour démarrer le processus de fumage.
Plus d’un million de francs pour l’installation du four
Le fumage traditionnel consiste à sécher, saler et fumer les poissons dans des fours alimentés avec du bois de chauffage, sous une température comprise entre 60 et 120 °C.
« Dans le cadre de mes activités de fumage, j’ai dépensé plus d’un million de francs CFA pour installer des fours, que j’ai construits sur les bords de la lagune. Avant l’installation, il m’a fallu au préalable obtenir l’autorisation de la mairie et trouver un parrain à Dionewar car, l’exploitation du poisson séché est source de pollution à cause de la fumée. Le plus dur a été de transporter le fer, les briques et 4 tonnes de ciment en bateau pour la construction du four. Nous savons que Dionewar se trouve sur une île, transporter des matériaux de construction en bateau n’est pas une chose facile ».
Le processus de fumage
Imourana Fofana précise qu’il arrive à fumer 3 à 4 tonnes de poissons « cobo » par mois. Ce volume est fonction de la disponibilité des ressources, déclare t’il. « Les poissons achetés sont chauffés au four pendant 30 à 40 minutes. Ensuite, nous les sortons du four pour les sécher durant 5 jours au soleil. Puis, nous les regroupons avant de les mélanger avec de l’eau de sel ou l’eau de mer. Ici, des femmes travaillent pour trier, nettoyer, décortiquer et découper les poissons séchés. Elles gagnent 125 FCFA sur chaque bassine de poissons décortiqués et peuvent faire plus de dix bassines par jour. Elles travaillent au quotidien pour satisfaire la demande présente de « kéthiakh Cobo ».
Une denrée rare dans la sous-région
Le « kéthiakh cobo » est très demandé dans la sous-région nous dit-il. Nous les exportons par cartons de 80 kg en Guinée, au Mali, au Burkina et au Ghana, entre autres. Ce sont des pays qui n’ont pratiquement pas accès à la mer. Les cartons sont transportés en pirogue à Djiffer puis à Joal en camion. Nous vendons le kilogramme de « kéthiakh cobo » à 1 000 FCFA.
En Guinée par exemple, c’est revendu entre 2 000 et 2 500 FCFA le kilo. Les femmes l’utilisent pour faire des plats locaux très connus : mborokhé, soupou kandia ou sauce gombos. Depuis 2006, je suis à Dionewar et l’activité rapporte. J’ai fait venir ma femme et mes enfants qui sont scolarisés à Dionewar. Les habitants ici sont généreux et très accueillants. Mon parrain dans la localité m’a prêté une partie de terre pour mes installations et à partir du mois de mai, il occupe l’autre partie pour cultiver le maïs.
L’exploitation du poisson séché est très rentable. Aujourd’hui, cette activité a apporté un plus à la localité. Avant, il y avait que l’agriculture, la pêche et le tourisme. Maintenant, il y a l’exploitation du poisson séché en sus. Toutefois, il est important de préciser que les conditions de travail sont parfois très difficiles. « Ce n’est pas facile par exemple de travailler en saison des pluies. Il y a beaucoup de risques de piqures d’insectes « mout mout » causant des douleurs terribles. La nuit aussi, il fait très frais, mais on parvient quand même à s’en sortir » indique notre hôte.