Alerte rouge sur la pêche sénégalaise

Alors que le pays est en pleine pandémie, les acteurs de la pêche sont révoltés et se mobilisent pour tenter de s’opposer à l’octroi de 52 nouvelles licences de pêches à des bateaux étrangers, majoritairement chinois.

Publié le 6 juin 2020  

Dernière minute

Sous la pression des professionnels, le gouvernement sénégalais semble être conscient que la pêche à grande échelle non déclaré et illégale pourrait avoir d’énormes conséquences sur les ressources halieutiques. Le ministère de la Pêche et de l’Économie maritime a annoncé le 6 juin ne pas donner suite à la demande d’octroi des licences de pêches.

Le projet d’attribution de licences de pêche à des navires turcs et chinois fait polémique. Des organisations de pêcheurs telles que le Groupement des armateurs et industriels de la pêche au Sénégal (GAIPES) ou encore l’Association pour la promotion et la responsabilisation des acteurs de la pêche artisanale maritime (Anapram) sont sur le front et n’entendent pas laisser passer une telle « forfaiture ». « Le monde va entrer inexorablement dans une phase post covid sans précèdent, il est donc primordial de stabiliser nos acquis et surtout protéger nos ressources. »

Bateaux chinois battant pavillon sénégalais dans le port de Dakar

Les bateaux étrangers font des ravages dans les eaux sénégalaises

Depuis un certain temps, la pêche maritime au Sénégal a enregistré une baisse des captures. Les eaux territoriales sénégalaises sont vidées de leurs substances et les débarquements des pirogues se font de moins en moins à cause de la rareté des poissons.

Les acteurs indexent la surexploitation des stocks par des bateaux étrangers qui font des ravages au large des eaux territoriales sénégalaises. D’énormes quantités de poisson sont pêchées par ces « bateaux usine » puis directement expédiées en Europe. Certains bateaux, font mêmes du transbordement en pleine mer, une pratique pourtant interdite.

Les conséquences de cette surpêche touchent l’économie sénégalaise depuis le petit pêcheur jusqu’aux consommateurs qui voient les prix s’envoler sur les marchés en raison de la pénurie grandissante. À défaut d’une bonne surveillance des côtes et d’une bonne protection des ressources halieutiques, les poissons sénégalais iront garnir les assiettes des Européens et Asiatiques au détriment de la consommation locale.

Un souci de préservation des ressources

De nombreuses espèces sont aujourd’hui menacées d’extinction. L’octroi de permis de pêche à des bateaux étrangers ne fera qu’augmenter la pression de pêche sur des ressources déjà fragiles et surexploitées.

L’exploitation des pélagiques côtiers, comme exemple la sardinelle (yaboy) est extrêmement préoccupante. Cette espèce est très convoitée dans la sous-région, mais dans certaines localités du Sénégal comme Joal, c’est celle qui sécurise l’alimentation des populations. Sur la côte, l’expansion de l’industrie de la farine de poissons menace de plus en plus la sardinelle et d’autres espèces qui sont transformées en farine de poisson destinée à l’aquaculture.

Selon une étude de l’Aprapam, « il faut 4 à 5 tonnes de poissons pour fabriquer une tonne de farine de poisson » Certains chalutiers étrangers approvisionnent avec n’importe quel poisson ces usines de farine de poisson.

D’autres ressources halieutiques telles que thons, espadons, voiliers, chinchards, maquereaux, crevettes et merlus, dorades, mérous, crevettes blanches ou céphalopodes sont aussi menacées par ces bateaux étrangers qui risquent de racler en profondeur les eaux sénégalaises.

La pêche artisanale est une grande source d’emplois

La sénégalisation des bateaux étrangers, là où le bât blesse

Pour s’assurer l’accès aux eaux sénégalaises tout navire de pêche doit remplir les conditions suivantes :

  • appartenir, pour moitié au moins, à des nationaux ou ressortissants d’un pays membre de la CEDEAO
  • appartenir pour le tout à une société ayant son siège social au Sénégal et son contrôle, au sens du droit commun des affaires, de nationaux ou ressortissants d’un des pays membres de la CEDEAO.

Afin de contourner ces contraintes juridiques, la majorité des bateaux étrangers passe par des « prête-nom ». Certains armateurs créent ainsi des sociétés mixtes entre Sénégalais (51 %) et étrangers (49 %) . De fait, la nouvelle société devient sénégalaise et peut bénéficier de permis de pêches, puis d’exonérations de taxes par le gouvernement sénégalais.

Cette pratique est aujourd’hui largement décriée par les associations de pêche qui la considèrent comme un moyen pour piller nos ressources. Les protestataires préconisent d’abord le gel des délivrances de permis de pêche aussi bien pour les nationaux et les étrangers, puis ensuite le durcissement des conditions de délivrance des licences et, pour finir, par un audit du pavillon des chalutiers exerçant leurs activités dans les eaux sénégalaises.

Le ministre rassure

Alioune Ndoye, ministre de la Pêche et de l’Économie maritime, estime que la polémique n’a pas sa raison d’être puisqu’il n’a à ce jour signé aucune attribution de licence de pêche pour un quelconque navire étranger. « La polémique est grande, mais je peux vous dire que depuis mon installation, je n’ai pas encore signé de licence de pêche. Et je crois que cela peut suffire largement comme réponse », a-t-il répondu.

Affaire à suivre.

Amadou Gueye.

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